samedi 31 août 2019

Réflexion sur la portée politique du cinéma de Tarantino



Suite à la vision du dernier film de Tarantino ainsi que la lecture de quelques articles polémiques concernant le racisme et le sexisme supposé de ce dernier, on est en droit de se poser la question de la portée politique et idéologique de son cinéma.

Précisons que nous dévoilerons ici les ressorts de l’intrigue et la fin de certains films de Quentin Tarantino. Précisons également que cette réflexion ne s’intéresse pas au caractère « esthétique » de l’œuvre. Ici le jugement ne se fait pas sur les qualités artistiques mais bien sur son propos conscient ou non et ses méthodes de diffusion. La question esthétique dans l’art relève de facteurs bien trop nombreux et discordants pour pouvoir la trancher ici, souvent résumée dans la maxime  « tous les goûts sont dans la nature ». Accordons nous dès lors sur une définition qui ne tombe ni dans le relativisme absolu à la Laurent Jullier1, ni dans le poncif de la cinéphilie orthodoxe : Un bon film est un film qui applique de façon cohérente les techniques relatives à son média et/ou subverti celles-ci en connaissance de cause. Si cette définition peut paraître un peu lapidaire et plus enclin à définir l’artisanat, elle est nécessaire afin d’évacuer tout propos relatif au « gout personnel » et d’avancer sur le sujet qui nous intéresse.
L’analyse a pour point de départ deux éléments principaux : le dernier film de Quentin Tarantino, Once upon a time…in Hollywood, ainsi qu’un article lui étant dédié, rédigé par  Camille Wernaers pour la RTBF.be : Once upon a time in Hollywood : Tarantino ou le triomphe du mâle alpha.

Commençons par synthétiser le premier : Dans le Los Angeles de la fin des années 60, en pleine période hippie, un acteur de western classique sur le déclin, Rick Dalton essaye de relancer sa carrière avec le support de son cascadeur officiel Cliff Booth. Rechignant à tourner en Italie sous les conseils de son imprésario, Dalton reprend espoir en s’apercevant que ses nouveaux voisins sont les Polanski, cinéaste et actrice à succès. Non loin de là, une communauté hippie s’est installée dans le ranch Spahn sous la férule d’un certain Charles Manson.
Si le cinéma a toujours été le canevas sur lequel Tarantino brodait ses scénarios, c’est la première fois qu’il traite le sujet de façon aussi frontale. Passionné par le cinéma et par son histoire, le réalisateur se plaît à reproduire, transformer et fantasmer l’histoire du médium par le médium lui-même. Une mise en abîme qui n’est pas nouvelle chez l’auteur, fût-elle moins directe, puisque celui-ci peut être considéré comme l’héritier des cinéastes maniéristes2 à l’instar de Brian De Palma.
Le choix de l’époque (1969) n’est pas anodin, car elle est au confluent de changements majeurs dans la société américaine et par extension dans le cinéma hollywoodien. Cette période de troubles, secouée par les revendications sociales, la guerre du Vietnam, le mouvement hippie, les émeutes de Stonewall, voit le croisement de trois mouvements cinématographiques qui se superposent : la queue de comète du cinéma classique américain des années 50, se vautrant soit dans la démesure, soit dans la série B (représentée par Rick Dalton au début du film). Le miracle du cinéma italien des années 60 qu’il soit d’auteur ou de divertissement (représenté entre autre par Corbucci3). Et l’apparition de ce qu’on appellera plus tard « le nouvel Hollywood4 » (représentée par Polanski). Trois mouvements qui eurent une influence considérable sur le cinéma de Tarantino et auxquels il rend ici hommage.
Pour ce qui est du second, l’article est en accès libre et consultable ici. Mais touchons en deux mots tout de même ! L’article prend comme angle de réflexion, entre autres, la critique de l’hyper-sexualisation et l’objectification des femmes dans le cinéma hollywoodien. C’est un angle intéressant ayant produit de nombreuses réflexions sur le statut et la vision des femmes au cinéma ou dans le monde de l’image de manière générale. Citons la pub, le clip, la télévision ou encore la pornographie. Avec une approche bourdieusienne révélant les structures sous-marines reproductrices de rapports sociétaux et sociaux, elle permet la remise en cause de visions à premières vues anodines comme autant de regards masculinistes et normatifs. Une approche qui ne traite pas uniquement de la question du sexisme « ordinaire » mais de tout un éventail d’inégalités comme le racisme, sujet également évoqué par l’autrice plus loin dans l’article. La conclusion est claire, Camille Wernaers reproche au film de Tarantino son « racisme ordinaire », son sexisme et le fait de banaliser le féminicide. Celle-ci conclut « le sexisme tue, le racisme tue et le cinéma est politique. »

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