jeudi 29 août 2019

Tarantino à Hongkong


Le propre des mythes est d’être toujours un peu dans l’air du temps. Bruce Lee est mort en 1973, mais il défraie toujours la chronique. Ces dernières semaines, l’artiste martial a resurgi deux fois coup sur coup dans l’actualité.
 
Une première fois, lors des manifestations à Hongkong, où il a vécu jusqu’à ses 18 ans ; on y reprend paraît-il son mantra : be water, soyez comme l’eau, c’est-à-dire sans forme rigide prédéterminée, afin de déjouer la répression. Épouser la contrainte, comme l’eau coule dans un bol, mais la contrer aussi : quand on frappe l’eau, c’est toujours elle qui gagne.

À l’origine de cette maxime mondialement célèbre, il y a une épiphanie, racontée par Lee dans une dissertation de philosophie à l’université de Washington, alors qu’il vient d’arriver sur la côte ouest des États-Unis. Revenant sur son apprentissage du kung-fu auprès du grand maître Yip Man, lequel lui reproche alors sa « fureur », qui lui fait oublier le relâchement nécessaire à l’artiste martial, Bruce Lee se souvient : « Après des heures passées à méditer et m’entraîner, j’ai tout lâché pour aller naviguer seul sur une jonque. Sur la mer j’ai pensé à tout ce temps passé à l’entraînement : je m’en voulais tellement que j’ai frappé l’eau avec mon poing ! C’est alors — à ce moment précis — qu’une pensée m’a saisi : l’eau n’était-elle pas l’essence par excellence du kung-fu ? N’avait-elle pas illustré à l’instant son principe même ? Je l’avais frappée mais elle n’avait pas souffert. (…) Cette substance, la plus souple du monde, pouvant être contenue dans le plus petit des bocaux, semblait si faible. En réalité, elle pouvait pénétrer la substance la plus dure du monde. Voilà ! Je chercherais désormais à être comme l’eau (1). »

Cette injonction, il la reprendra dans la série Longstreet (1971-1972), puis dans un entretien célèbre (lui-même repris dans des publicités pour BMW).
Mais Bruce Lee revient aussi dans l’actualité grâce au dernier film de Quentin Tarantino, Once Upon a Time… in Hollywood, qui le présente à l’époque où il était préparateur physique à Hollywood et acteur de série télé ; Tarantino en fait un personnage burlesque — ce qui a valu au réalisateur des critiques de la famille et des camarades de Lee (voir notamment celle de Kareem Abdul-Jabbar). Dans ce film, on peut voir Lee pontifier en marge du tournage du Frelon vert (1966-1967), une série américaine dans laquelle il tenait le second rôle mais qui a fait de lui une véritable star à Hongkong ; la série y prit même le nom de son personnage, Kato. On l’entend, devant un auditoire conquis, vanter la puissance de ses poings. Quand Lee soutient qu’il sortirait certainement vainqueur d’un combat contre Mohamed Ali, Cliff Booth, le personnage de cascadeur incarné par Brad Pitt, pouffe. Lee est contrarié, le ton monte. S’ensuit une passe d’armes — bien trop courte, hélas —, au cours de laquelle Booth semble d’abord prendre le dessus.

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